« Réinventer le Liban, avec autant de lucidité que d’espoir » Tele Haiti
Michel Helou, ancien directeur du quotidien « L’Orient-Le Jour » et candidat aux élections législatives de 2022, défend, dans une tribune au « Monde », son projet politique, bâti autour de trois axes principaux : dépasser le confessionnalisme, refonder l’économie, faire en sorte que le pays recouvre sa souveraineté.
Publié le 31 janvier 2022 à 05h00 Temps deLecture 7 min.
Tribune. Le Liban, tel qu’on l’a connu, n’existe plus. Il nous faut autant de lucidité pour prendre acte de son effondrement qu’il nous en faut pour le concevoir autrement. Cela implique, certes, une part de renoncement, mais surtout une dose bien supérieure d’espoir et d’engagement.
Avec un enfant sur trois qui se couche le ventre vide, le Liban est un pays qui souffre, au cœur d’une région bouleversée. L’écroulement de la monnaie libanaise symbolise l’une des faillites économiques les plus violentes du monde moderne. Pis, c’est sur le temps long que se perd l’avenir du pays : l’émigration, devenue exode, menace aujourd’hui l’existence même du Liban et sa capacité à se relever.
Mais le fond du problème est politique : au-delà de la corruption, c’est l’incapacité de ce système à trouver le chemin de la décision collective qui paralyse nos institutions. La classe dirigeante a troqué une démocratie dite « consensuelle » contre un système sclérosé de marchandages tribaux. Tel est le message fondamental qui a émergé du soulèvement d’octobre 2019, cette parenthèse euphorique où toute une génération s’est levée pour exorciser les démons du passé. Faisant fi des barrières sociales, confessionnelles et géographiques, elle a, pendant des mois, et comme jamais auparavant, prouvé qu’une nation libanaise pouvait prendre corps. Certes, la parenthèse s’est trop vite refermée : en faisant le pari cynique de l’immobilisme et du pourrissement, les forces de la contre-révolution semblent avoir gagné une bataille.
Concorde civique plutôt que discorde civile
Il nous faut aussi reconnaître une part de responsabilité dans cet échec provisoire. Se contenter de dire : « Kellon yaané kellon » (« Tous, c’est-à-dire tous ») en pointant fort justement l’alliance objective des chefs de clan, c’est se contenter d’une vérité qui endort. Il y en a une autre, plus cruelle, mais aussi plus tonique, qui nous engage tous. Elle implique que pour se débarrasser d’« eux », nous fassions ce que nous avons à faire : clarifier l’objectif, s’unir, transformer le potentiel en levier. Accepter d’être moins prétentieux sur ce que nous sommes, et plus ambitieux sur ce que nous pouvons être. Qui sommes-nous, nous, les Libanais ? Que voulons-nous ?
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